Sultan Ulutas Alopé
La pièce
La Langue de mon Père est un seul en scène en français, en kurde et en turc.
À travers l’apprentissage de la langue paternelle, doublée du français comme langue d’adoption, une jeune femme turque d’origine kurde questionne son identité et le rapport au père, avec qui elle n’a plus de contact depuis des années.
C’est une pièce en forme de voyage dans les langues et dans l’enfance. La protagoniste exhume la honte d’être Kurde, une honte qu’elle a portée inconsciemment pendant des années. Elle s’interroge sur le racisme qu’elle a subi et avec lequel elle s’est construite en tant qu’enfant. Elle témoigne aussi du quotidien d’une famille modeste kurde dans la société turque du milieu des années quatre-vingt-dix. Pendant ce voyage, elle porte le français comme un gilet de sauvetage, une langue qu’elle ne maitrise pas totalement et que personne d’autre dans sa famille ne parle ni ne comprend.
Une langue peut-elle être un gilet de sauvetage ? Déterrer les mots de ses ancêtres peut-il vraiment éclairer les rapports complexes à sa famille et à son identité ? Comment le racisme quotidien sème la violence et la honte chez les individus ? Peut-on dissocier la violence au sein de la famille de celle de la société ?
NOTE D’INTENTION
« Je suis née à Istanbul, d’origine kurde et turque. Ma langue maternelle est le turc. L’histoire du personnage est assez similaire à la mienne. Quand je me suis installée en France en 2017, je parlais français depuis un an. À la fin de mes études en art dramatique, je n’avais plus le droit de rester en France. Suite à ma demande de titre de séjour, j’étais paralysée par la procédure administrative. N’étant ni en possibilité de travailler, ni de retourner dans mon pays pendant un an, je me suis retrouvée avec un temps injustement libre, sans repère. L’écriture du texte est née de cette expérience.
Comme le personnage de ce texte, j’ai décidé d’apprendre le kurde, la langue maternelle de mon père. Dans ce texte, j’essaye de donner, en parallèle de l’histoire d’une femme immigrée en France, un portrait de la société turque des années quatre-vingt-dix dans laquelle j’ai grandi. J’ai rassemblé mes souvenirs, observations et sensations d’enfant kurde dans une région nationaliste turque. La politique d’assimilation de l’identité Kurde est toujours en vigueur dans mon pays. La plupart des gens de ce peuple ont été forcé d’oublier leur langue maternelle par cette politique. Parler du conflit kurde en Turquie est malheureusement toujours risqué. Plusieurs politiciens, journalistes, écrivains, chercheurs et artistes ont été accusés de faire de la propagande du terrorisme et du séparatisme au cours de ces dernières années.
C’est pourquoi, j’ai peut-être inconsciemment commencé à écrire ce texte majoritairement en français à la place de ma langue maternelle, le turc. C’est seulement en cours d’écriture que j’ai interrogé mon choix de la langue et cette interrogation a également infusé dans le texte. La question de l’identité, de l’immigration, du rapport aux langues, le sentiment d’étrangeté, d’être étranger, les récits intimes et politiques ont toujours été au cœur de mes projets artistiques et académiques. Ces questionnements ont également été le déclencheur de La Langue de mon Père.
Dans ce texte, j’essaye de donner un aperçu de l’impact du racisme quotidien sur les membres d’une société. Quelles tensions cela crée dans une société ? Comment cela participe à la construction personnelle de ses membres ? Que crée le mariage du patriarcat et du racisme au sein d’une famille ? Quels rapports avons-nous avec les différentes langues ? »
Sultan Ulutas Alopé
PRODUCTION-DISTRIBUTION

© Sultan Ulutas Alopé