Paul Desveaux / Cie L’héliotrope


Douze ans après la merveilleuse aventure de L’éveil du printemps, Paul Desveaux retrouve le prodigieux, le sulfureux Wedekind, maître avéré de la tragédie moderne. De son écriture contemporaine, il a osé marier la violence des propos au grotesque des situations pour dresser des portraits saisissants de nos drames intimes noyés dans la société. Au centre ici, Lulu, objet (payant) de tous les désirs, elle apparaît comme la figure féminine transgressive, l’aînée de toutes ces ingénues qui peuplent depuis la littérature. Au-delà de la capacité de désordre des femmes, Paul Desveaux vient à Lulu pour questionner l’altérité que le rapport sexe et argent altère. Au bout du cirque que Paul Desveaux met en scène avec un plaisir évident, personne ne sort gagnant. Une fable à la plastique et à l’esthétique parfaites, poreuse à l’humour, et terriblement cruelle.

Le sexe et l’argent : la question de l’altérité
Je lisais, il y a quelque temps, un article dans le journal Le Monde sur l’arrivée enFrance d’un site web américain qui propose que des étudiantes «sugar babies»qui ont des difficultés financières, rencontrent de riches hommes «sugar dadies»qui seraient prêts à les entretenir. Ce site rend visible et de manière un peu brutale quelque chose qui a toujours existé. Mais ce qui était à peine avouable, il y a quelque temps, apparaît aujourd’hui comme un service quasi normal, comme la livraison de sushi ou laVOD. Ce marché, ce «deal» comme pourrait le qualifier Koltès, pose l’argent et le sexe comme deux faces d’un pouvoir. Bien qu’ici, il s’agisse d’une prostitution à peine déguisée, il n’en reste pas moins que les faveurs sexuelles ont été, tout au long de notre histoire, une monnaie d’échange efficace. A ceci près que le sexe a souvent été le pouvoir du pauvre.
La question qui se pose alors est comment envisageons-nous l’autre ? Que représente-t-il ?L’argent et le sexe posent toujours la question de l’altérité. Dans les deux cas, c’est l’expression d’un désir de possession. Ils sont l’un et l’autre les moyens d’exercer un pouvoir. L’autre devient un objet de désir, et dans les cas extrêmes, il n’est plus que l’objet du désir. Tout devient alors objet, même le corps de l’autre. L’autre disparaît dans le fantasme du désirant. Il n’est plus que projection : projection de sexualité ou projection d’ascension sociale, par exemple. A cet instant, nos êtres s’évanouissent dans une rêverie qui peut vite tourner au cauchemar quand le réel refait surface. Ce qui refrène ces désirs, c’est finalement le cadre que propose une société. Ou comment nous nous inscrivons dans une sociabilisation de nos  pulsions. Et une des sociabilisations possibles, c’est le partage qui va à l’encontre d’un désir de possession unilatéral. Le partage oblige à considérer l’être qui est en face de nous. Mais depuis la naissance du capitalisme en passant par la révolution industrielle du XIXème siècle, jusqu’à l’émergence de l’ultra libéralisme prôné par l’école de Chicago, nous n’avons cessé de voir grandir une «objétisation» du monde. Chaque chose se monnaie : que cela soit les matières ou les personnes. C’est ce que Wedekind saisit dans Lulu : l’histoire d’une jeune fille des rues qui devient une prostituée de luxe et qui selon le désir de ses amants, change de nom.C’est l’être parfait du fantasme : un objet de projection pour chacun. En contre-partie, Lulu se glisse dans les rouages de la haute société, s’adaptant à chaque situation.  Elle monnaie ainsi son accession au cercle de la bourgeoisie. En contre point, nous voyons Schön, son protecteur, patron de presse et politique, agir sans aucun complexe pour favoriser ses intérêts. Wedekind décrit dans cette œuvre ce processus, ce rapport entre la chair, l’argent et le pouvoir. Et dans la première version de son texte, il nommait cette histoire du monde, «tragédie monstre» : quelque chose entre le sublime et l’effroi. Paul Desveaux


DISTRIBUTION

tragédie de Frank Wedekind
en deux parties : L’esprit de la terre et La boîte de Pandore
traduction Ruth Orthmann et Eloi Recoing
mise en scène et scénographie Paul Desveaux

avec Antoine Berry-Roger, Serge Biavan, Ninon Brétécher, Fabrice Cals, Anne Cressent, Daniel Delabesse, Andréas Goupil, Thomas Harel, Jonas Leclere, Alain Payen, Baptiste Roussillon
musiciens Michaël Felberbaum guitare, David Grébil batterie/percussions, Vincent Lafont synthé/claviers

assistante à la mise en scène Amaya Lainez
musique Vincent Artaud
chorégraphie Cécile Loyer
lumière Laurent Schneegans
costumes Alexia Crips Jones
conceptrice marionnette Einat Landais


PRODUCTION

production Cie L’héliotrope
coproduction Centre Dramatique National de Normandie Rouen, Le Tangram / Scène Nationale Evreux-Louviers, Le Volcan / Scène Nationale du Havre, Théâtre de l’Union / CDN du Limousin

L’héliotrope est une compagnie conventionnée par la DRAC et la Région Normandie, associée à la Scène Nationale Evreux-Louviers.

durée 3 h15 avec entracte


PHOTO


crédit photo Christophe Raynaud de Lage  / utilisation soumise à des droits, contactez raynauddelage@gmail.com ou 06 74 49 57 68


DOSSIER DE PRESSE


CALENDRIER

08 > 09 novembre 2017  CDN Normandie-Rouen
14 > 15 novembre 2017 • Le Tangram-SN Evreux-Louviers
21 > 22 novembre 2017 • Le Volcan-SN du Havre
28 novembre 2017 • Ma, Scène nationale de Montbéliard
04 > 06 décembre 2017 • Théâtre l’Union, CDN du Limousin
10 > 19 janvier 2018 • Théâtre 71, SN de Malakoff